Zakaria G. 27/05/2020

Mon avenir m’attend en France, pas en Algérie

tags :

En Algérie, je n'avais pas assez de perspectives d'avenir alors ma famille m'a envoyé au lycée en France. J'aimerais rester et y entreprendre des études supérieures.

En Algérie, il y en a beaucoup, des gens qui ont terminé leurs études et qui restent après sans travail, sans rien. Un de mes cousins a fait informatique pendant deux ans je crois, et maintenant ça fait trois ans qu’il cherche… partout. Mon voisin a fait des études pour être prof de sport, il a fini depuis deux ans. Et j’ai un autre cousin qui a fait des études pour être prof dans un collège, et il n’a pas trouvé de place, ça fait deux ans. En attendant, ils se débrouillent, mais ils n’ont pas de travail fixe. Donc, en Algérie, je n’ai pas d’avenir.

C’est difficile d’y gagner sa vie et de s’assurer un avenir avec les études. Si tu as des connaissances, des gens qui sont dans un bon cadre, tu peux faire quelque chose. Mais si tu n’as pas… tu restes pauvre. Ma famille n’a pas de connaissances, ou pas pour des bons métiers. Alors on a décidé que j’irai en France, mais c’est pas facile non plus.

Mes parents veulent que j’assure mon futur

Malgré tout, pour mes parents, le plus important c’est les études. Mon père a passé son bac et après il a fait une formation. Même en travaillant, il a continué à faire des études, et maintenant c’est un professeur des infirmiers. Il travaille à l’hôpital. Ma mère, elle, elle reste à la maison. Mes parents veulent que je fasse des études, après je prendrai un travail qui restera toujours. Pas comme les gens qui parfois travaillent ici, puis ici, puis ici.

Mon père m’a proposé d’être aide-soignant, mais moi je ne veux pas. On a donc discuté avec mes parents, et dix jours après, on faisait ma demande de visa. Mes parents m’ont proposé de rejoindre ma tante qui habite à Paris. C’est elle qui a dit à mon père « ramène ton fils chez moi » en 2015, quand j’étais venu en France en vacances. Mon père ne voulait pas, mais on connaît des gens qui sont partis en France pour étudier et ils ont réussi dans leurs études. Une cousine de mon père a continué ses études de médecine et maintenant, elle est docteure.

Ici, c’est mieux que là-bas

Maintenant, mes parents sont toujours dans mon village et moi, je suis chez ma tante à Paris depuis plusieurs mois. Mon aménagement à Paris, c’est beaucoup d’argent. Ma famille n’a pas de problèmes pour l’argent, mais l’euro, ça vaut plus que le dinar, et ça rend ma famille un peu inquiète. Mon père m’envoie un peu d’argent, et ma tante m’aide. Chez elle, j’ai ma chambre et elle m’aide presque tout le temps pour tout : c’est elle qui veut me payer tout. Les vêtements, le sport, etc. Je ne sais pas pourquoi elle fait ça. Des fois, mon père ne veut pas.

Compte tenu de la crise épidémique actuelle, beaucoup d’étudiants étrangers se retrouvent seuls et perdus. Pour certains, avec le confinement, impossible de rentrer chez eux…


Je suis content que mes parents m’aient dit de venir à Paris, c’est mieux que là-bas. C’est mieux dans tout : le matériel à l’école, la façon d’étudier, il y a une atmosphère pour apprendre. Maintenant je suis dans un lycée international, dans une classe spéciale de seconde non francophone. J’étudie toutes les matières comme les autres classes, j’ai juste un peu plus de cours de français pour améliorer mon niveau. Pour l’instant, je pense continuer en générale l’année prochaine. Peut-être que je vais choisir maths, physique-chimie et informatique. Je souhaite passer le bac.

Tout dépend de mes papiers

Pour le visa, ce n’était pas compliqué comme je suis mineur. Mon dossier de visa marche avec la situation de mon père. Et comme mon père a un bon métier, il n’y a pas de problèmes. Avant 18 ans, tu n’as pas besoin de papiers pour l’école. Je veux rester ici en France mais quand j’aurai 18 ans, l’année prochaine, ce sera difficile de rester sans papiers. Les gens qui n’ont pas l’autorisation pour rester ou étudier ici ne peuvent pas entrer à l’université.

Le BTS par exemple, tu peux continuer sans papiers. Mais ça dépend si tu obtiens les choix que tu veux ou non… Mon père et ma tante font les démarches pour moi ; j’ai envoyé un dossier, on attend la réponse jusqu’à l’année prochaine.

Avant, Mamadou dormait dehors car malgré ses papiers, on ne le reconnaissait pas mineur. Mais bonne nouvelle, le juge l’a reconnu mineur depuis. Il est dans un foyer maintenant et il va bien !

Une mise en scène qui dénonce le traitement de la Croix-Rouge des mineurs isolés étrangers. On peut voir les tentes où ils dorment la plupart du temps, dehors.

Pour l’instant, j’ai décidé de rester ici, pour étudier et passer mon bac. Mais après, je ne sais pas : est-ce qu’avec le temps, je vais vouloir rentrer en Algérie ? Si je trouve un meilleur projet à l’étranger ou de meilleures opportunités pour mon avenir, je partirai. Je m’inquiète beaucoup pour mon futur, parce que ma famille et ma tante m’ont donné une chance d’étudier bien et de faire ce que je veux.

Ils ne me mettent pas la pression mais je sens qu’ils attendent beaucoup de moi. Et moi-même je me mets la pression, parce que j’ai reculé de deux ans (en Algérie, j’aurais dû passer mon bac cette année) et j’ai peur de ne pas réussir. Si je ne réussis pas, je vais me décevoir et ma famille aussi. Je pense que je n’ai pas le droit à l’erreur à l’école, parce que j’ai peur de prendre encore du retard.

Zakaria, 17 ans, lycéen, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Sebastian Pociecha

Partager

Commenter